La mixité : enjeu majeur pour Les Glénans

Pas facile pour une femme de trouver sa place à bord d’un bateau. Ce constat, fait par tous les acteurs du nautisme, est aussi partagé au sein de l’école de voile des Glénans. Alors que la mixité est respectée dans les stages junior et à terre, elle peine toujours à s’imposer lors des stages embarqués, qui représentent la grande majorité de l’activité. « Malgré notre histoire, qui repose sur la mixité et un couple fondateur, la parité ne se décrète pas. Nous sommes dans un modèle qui a été pensé par et pour des hommes » pose Tom Daune, Délégué Général de l’association, fondée en 1947. Car cette désaffection du public féminin ne peut se résoudre que par une profonde remise en question. Ces dernières années, l’école a entamé un travail en profondeur pour prendre mieux en compte les femmes et leur donner davantage de place. Les premiers résultats sont mesurables avec une hausse de 15 % du nombre de femmes par rapport à l’année dernière.

Une oreille attentive, et formée

Les violences sexuelles et sexistes (VSS), présentes dans la société ne s’arrêtent malheureusement pas aux portes de l’école et, pour les traquer, la remontée des témoignages est capitale. Les permanents ainsi que les bénévoles sont formés pour offrir une oreille attentive. « Pour avoir des réponses, il faut d’abord poser les questions » résume Raphaëlle Ugé, formatrice impliquée dans cette démarche. « Il faut faire remonter les témoignages sur les bateaux et sur tous les sites » poursuit la formatriceDes référents « stop violences » sont identifiés sur toutes les bases et tous les numéros d’urgence sont communiqués aux stagiaires pour qu’ils puissent choisir le canal qu’ils préfèrent.

Stage croisière à l’Ecole de Voile des Glénans, le 19 septembre 2019, Photo © Jean-Marie LIOT

Faire émerger des modèles

Le premier écueil à la mixité est souvent l’absence de modèles. Alors que l’immense majorité des moniteurs sont des hommes, il n’est pas évident pour une femme de s’imaginer cheffe de bord. « Il faut des roles models pour montrer que c’est possible, il faut dézinguer ce syndrome de l’imposteur » souligne Raphaëlle. Trop souvent, les cheffes de bord doivent faire la démonstration de leur savoir-faire alors que leurs collègues hommes sont perçus comme plus compétents. Pour tordre le cou à ce cliché, le management de l’association se féminise. Les bases de Bonfacio et l’île d’Arz sont aujourd’hui dirigées par des femmes et près de la moitié des référents techniques sont des référentes. « Nous avons réalisé des modifications de fonctionnement, à commencer par renforcer le leadership féminin » poursuit Tom, convaincu qu’il faut aussi occuper le terrain de la communication. Les visages féminins sont présents partout sur les documents de communication et le langage se fait lui aussi plus inclusif.

Les stages 100% féminins, un symbole fort
 
Depuis deux ans, l’école de voile propose – à titre expérimental – des stages 100 % féminin. En mer, le sexisme a en effet la vie dure et l’image dominante reste celle du loup de mer, sûr de lui et de ses gros bras. Dans un stage mixte, les garçons ont vite fait de prendre l’initiative. Ils tirent sur les bouts, prennent la barre, alors que les femmes se contentent souvent de poser les pare battages. « Prendre la manivelle, ou le bout des mains d’une femme, c’est un début de discrimination » explique Raphaëlle. Entre elles, les filles apprécient une communication plus douce et des relations moins hiérarchisées. « Les premiers retours sur ces stages sont très positifs, que ça soit de la part des stagiaires ou des cheffes de bord. J’ai même le sentiment qu’ils ravivent l’engagement bénévole » apprécie Raphaëlle. Cette initiative, qui ne concerne qu’un stage sur cent, fait l’objet de discussions au sein de l’école comme le reconnaît Tom Daune : « C’est un sujet clivant. Ça ne réjouit personne d’en arriver là, surtout pour une association construite autour de la mixité, qui a été fondée par un couple. Cependant, on ne peut pas dire que la parité existe aujourd’hui sur les stages mixtes, en particulier en embarqué. La plupart du temps, une femme se retrouve seule à bord avec quatre hommes et les stages 100% féminins sont un passage obligé ».
 
Hygiène et intimité, piliers de la mixité
 
Les besoins physiologiques des femmes sont aujourd’hui mieux pris en compte dans l’activité. Pourtant, les longues journées en mer – en combinaison – ou sur un banc de sable isolé peuvent parfois virer au casse-tête pour une femme qui a ses règles, ou tout simplement un besoin pressant. « Il y a trois fois plus d’infections urinaires en mer qu’à terre » résume Raphaëlle. Ce besoin d’hygiène et d’intimité est aujourd’hui placé au cœur du projet pédagogique. Les journées en mer sont adaptées et des lieux d’intimités sont proposés de manière systématique.