Eric Bellion au bout de lui même

C’est à 16h58 et 20 secondes, ce lundi 13 février qu’Éric Bellion a terminé son Vendée Globe. Il prend la neuvième place du classement général mais surtout, devient le premier bizuth de cette édition, un exploit inenvisageable le 6 novembre dernier. Il rajoute son nom à la liste incroyable de ceux qui réussissent dès le premier coup : Gabart, Le Cléac’h, Riou, Desjoyeaux pour ne citer que les plus récents. Sans avoir la prétention de se placer au niveau de ses maîtres de la discipline, Bellion restera comme l’une des révélations, si ce n’est la révélation, de ce Vendée Globe et surtout, il se met au niveau des héros qui ont bercé son enfance.

C’est en effet un pur débutant qui a pris le départ et ce tour du monde était sa troisième sortie en solitaire. Ce marin humble, sans filtre, a appris à mener sa machine au fil des semaines passées en mer. C’est d’abord un Bellion hésitant, parfois fébrile, qui a descendu l’Atlantique en queue de peloton. C’est sans doute dans les calmes de Sainte Hélène que son moral s’est révélé le plus bas et ce sont en fait les mers australes qui ont révélé le marin d’exception. Une avarie de safran, changé en quelques heures, et un problème moteur sérieux lui auront paradoxalement donné la confiance nécessaire pour faire parler tout le potentiel de son IMOCA. C’est à ce moment qu’il a accepté de suivre sa propre route, totalement indifférent aux trajectoires de ses concurrents direct et navigant le plus souvent ordinateur éteint. Il a ainsi décidé d’aller surfer l’une des plus fortes dépressions de cet océan indien et c’est à ce moment-là qu’il est, selon lui « rentré dans l’aventure ».

Du Cap Leeuwin au Cap Horn, Bellion est devenu un phénomène, gagnant des places tous les jours jusqu’à rentrer dans le top ten au seuil du Pacifique et prendre, à sa grande surprise, cette place de premier bizuth. Loin d’être sorti d’affaire, le skipper de COMMEUNSEULHOMME a découvert la difficulté de cette remontée qui s’est avérée interminable. Des problèmes de moteur récurrents et une avarie de Grand Voile ont transformé ces derniers jours en véritable calvaire. Joint ce matin par son équipe, il confiait avoir pensé à l’abandon alors qu’il louvoyait le long de la Corogne, à moins de 1 000 milles des Sables d’Olonne. Ce soir dans le chenal, c’est donc un marin accompli qui a été salué par la foule. Le public sablais a su reconnaître dans cet homme discret, l’un de purs héros qui font l’histoire du Vendée Globe.

DECLARATION

« C’est une nouvelle vie qui a commencé. Je me suis découvert parce qu’avant je ne me connaissait pas. J’ai découvert que j’avais une force quelque part que je ne connaissais pas. Le Vendée Globe, c’est un révélateur. En trois mois, j’ai vécu 15 à 20 ans de vie. Maintenant il va falloir que je digère. C’est incroyable Quand j’ai grandi, pour moi le Vendée Globe était ce qu’il y avait de plus fou, de plus incroyable, de plus beau sur la route. Je pensais ne jamais y participer. C’était trop grand, c’était trop fort. C’était pour des sur-hommes et des sur-femmes et aujourd’hui, je l’ai dans mes souvenirs. C’est génial. Le Vendée Globe est quelque chose de fou, que tout le monde peut faire si on a une envie et une volonté farouche. Je suis allé au bout de la peur. Je suis allé au bout de la souffrance. »